La chute
La chute, c’est celle d’Hitler, pendant les derniers jours du IIIeReich. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce film ; un résumé détaillé ne serait pas non plus utile, je vais donc essayer une critique moins formattée.
En France, le film a été accusé de rendre Hitler humain, un parti pris qui serait dangereux. À cela je serais tenté de répondre que montrer un monstre tel qu’Hitler sous un angle humain permet de rappeler que l’indicible et l’inhumain peuvent s’incarner. Pourquoi devrait-on avoir peur d’une telle vérité ?
Mais surtout, où voir de l’humanité dans le personnage parfaitement interprété par Bruno Ganz ? Dans sa manière prévenante d’accueillir sa future secrétaire ? Il y fait déjà preuve de partialité en choisissant d’office une Munichoise. Dans sa manière - ridicule - d’embrasser Eva Braun ? Il n’en reste pas moins ses éruptions de violence en entendant la défection de ses généraux, ou son mépris souverain pour le peuple Allemand qui l’aurait trahi, et qui doit mourir si lui-même ne vit pas. Hitler est bien un monstre, et c’est là tout le message qui est transmis.
Plus encore que Hitler, il semble que les choix cinématographiques du réalisateur (Oliver Hirschbiegel) dérangent. Son approche quasi documentaire (filmer sans juger explicitement) est semble-t-il impardonnable pour certains ; petit florilège de critiques :
Les auteurs se sont défendus de tout dessein historique ou politique; ils voulaient montrer l’événement. Ils ne montrent guère: leur réalité ne dépasse pas la consistance d’un téléfilm. Et puis montrer a-t-il un sens en pareil cas ? (Positif)
Refusant de tenir un discours particulier sur son sujet, Eichinger adopte, sans aucun recul, les principes de mise en scène du cinéma classique de fiction (cadrage, musique, montage…) qui tissent ontologiquement des liens empathiques entre le regardant (le spectateur) et le regardé (le personnage). (L’Express)
Une succession de tableaux où absolument rien n’advient de cinématographique, où l’exécution d’un programme d’illustration des inévitables facettes de la fin du IIIe Reich aurait pu être scénarisée par un ordinateur robot programmé avec des scènes de films de guerre américains de troisième catégorie. Un pensum bruyant et racoleur. (Cahiers du Cinéma)
Le spectateur ne serait donc pas capable d’émettre un jugement “valable” sans l’aide du réalisateur. Une vision insultante pour nous, et étrange quand on sait que le film n’a pas déchaîné la même quantité de critiques en Allemagne. En France, certaines choses sont-elles irrémédiablement taboues ?
Pour un spectateur doté d’une capacité de jugement, on retiendra un film impeccablement réalisé, qui nous plonge dans les derniers jours du régime. Au milieu des généraux qui trahiront Hitler, soit en s’enfuyant, soit en tentant de négocier leur place auprès des Alliés ; peu resteront fidèles jusqu’au bout. On retiendra également (en sus de celle de Bruno Ganz), l’interprétation superbe des acteurs, et en particulier Ulrich Matthes qui compose un Goebbels ignoble. Certaines scênes sont terrifiantes, telle celle où Magda Goebbels tue ses enfants afin qu’ils ne vivent pas dans un pays sans National-Socialisme. D’autres, dans les rues, rappellent le soutien populaire que recevait le régime d’Hitler en Allemagne ; l’embrigadement volontaire des enfants, qui “jouent au petit soldat” pour défendre une rue laisse un goût amer.
La Chute c’est l’histoire d’un déclin, celui de tout le Reich face aux troupe Soviétiques. Mais c’est aussi l’histoire de la folie ordinaire d’hommes (l’entourage d’Hitler), voire d’un pays. Et surtout, c’est un portrait terrifiant car parfaitement réel des dernières heures d’un des plus grandes monstres de l’histoire. À voir absolument, pour mieux comprendre notre propre histoire.