Tu marcheras sur la mer morte
Tu marcheras sur l’eau est un superbe film Israëlien sur la mémoire et l’acceptation de l’autre. L’histoire est a priori simple. Eyal (Lior Ashkenazi) est un agent du Mossad ; son supérieur lui confie une mission, retrouver trace d’un ancien officier Nazi, Himmelman, celui là même qui est responsable de la mort de sa mère. Pour cela il va servir de guide au petit-fils d’Himmelman, Axel (Knut Berger) ; ce sera également pour Axel l’occasion de retrouver sa soeur Pia, qui a rompu les ponts avec sa famille.
La relation guide-touriste entre Axel et Eyal est complexe et mouvementée. La vision Européenne du conflit Israëlo-Musulman d’Axel se heurte à la perception qu’en a Eyal, qui vit les attentats au jour le jour ; la vision des musulmans de ce dernier est d’ailleurs très négative . Pour Eyal, difficile également de côtoyer un Allemand, qu’il juge responsable de l’holocauste (en dépit de l’âge d’Axel). Enfin, le fait qu’Axel soit gay (et qu’Eyal s’en rende compte très tard) contribue à compliquer leurs relations.
En parallèle on apprend par Pia qu’Axel ne sait pas que son grand-père est vivant ; c’est d’ailleurs d’avoir appris cela (ainsi que le fait de savoir que ses parents protègent l’ancien officier) qui a poussé Pia à partir d’Allemagne. La mission d’Eyal est donc un échec, et Axel repart en Allemagne sans rien lui avoir rien révélé d’utile. Mais aussi sans avoir réussi à convaincre sa soeur de rentrer.
En effet, le but originel de sa venue était d’inviter sa soeur à la fête d’anniversaire des 50 ans de son père. Le supérieur d’Eyal suppose alors (à raison) que le grand-père sera lui aussi présent ; Eyal est envoyé en Allemagne, chez Axel qui l’a invité. Là-bas il apprend qu’il n’est en fait pas en mission officielle, mais qu’il agit seulement sur l’impulsion de son supérieur. Et lorsque le vieil homme Nazi fait son apparition, la marche à suivre devient subitement bien floue.
Tu marcheras sur l’eau aborde, avec brio, de nombreuses idées : le pardon, la haine, le passé et le présent… La perception d’autrui est au coeur du film : vision des Allemands et des Musulmans par les Juifs, vision du passé Nazi de leurs parents par Pia et Axel ; de cela nul ne ressort blanc, tel Axel qui prone devant un Eyal surpris la mort de néo-nazis ayant agressé trois de ses amies drag-queen. Les acteurs jouent de façon irréprochable leurs personnages, tout particulièrement les deux rôles titres ; certaines scènes sont hilarantes, et doivent beaucoup à leur interprétation. Enfin, sans rien révèler, force est d’admettre que la fin est source de réflexion.
Un film qui mérite vraiment d’être vu, par exemple après La Chute, auquel il apporte un contrepoint intéressant. À noter une intéressante interview du réalisateur dans e-llico (attirons de l’audience : il paraîtrait que Lior Ashkenazi a eu des relations homosexuelles pendant son service militaire).